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Revue Elle


Noël 2004, Anne devant son ordinateur, devant le massif du Mont Blanc. (Photo de Jean Philippe Azaïs).

Décryptez ces maux qui reviennent a date-clef

Dans « J’ai mal à mes ancêtres » (Albin Michel), Anne Ancelin Schützenberger*, psychothérapeute, évoque l’existence d’étranges maladies ou accidents qui se répètent de génération en génération dans les familles, à des périodes précises.

QU’EST-CE QUE LE « SYNDROME D’ANNIVERSAIRE » ?

C’est une fragilité qui peut s’exprimer par une maladie - crise d’asthme, migraine, psychose, boulimie... -ou un événement heureux ou malheureux - mariage, fausse couche, naissance, accident... -qui surviennent chez les membres d’une même famille à des dates ou à des périodes précises (Noël, Pâques, grandes vacances...). A priori, les personnes ne savent pas pourquoi cela leur arrive à ce moment-là. Mais, en étudiant leur arbre généalogique, on s’aperçoit que ça n’est pas un hasard...

C’EST A DIRE?

Lorsque je reçois un ou plusieurs patients - je travaille beaucoup en minigroupes de trois à cinq personnes -, je leur demande de me raconter l’histoire de leur famille et l’on note tout sur un tableau. A partir de ces arbres généalogiques élargis comportant les noms des parents, grands-parents, oncles, etc., les moments-clefs (remariage de la mère, accident de voiture du père, déménagements successifs, diplômes, etc.), ainsi que les dates et âges auxquels ces événements sont survenus, on découvre des répétitions stupéfiantes. On s’aperçoit ainsi que, dans une même famille, des filles devenaient boulimiques à l’âge de 16 ans ou ressentaient un malaise psychologique - angoisse de mourir, voire dépression -lorsqu’elles atteignaient l’âge auquel leur mère était décédée.

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS CELA?

En répétant les mêmes faits aux mêmes dates que nos parents et grands-parents, nous cherchons inconsciemment à leur rester fidèles et à poursuivre la tradition familiale. C’est cette« loyauté invisible »qui pousse un étudiant à rater l’examen que son père n’avait pas réussi (pour ne pas le dépasser), une femme à tomber malade à 35 ans(car elle ne s’autorise pas à vivre plus âgée que sa mère)... Freud disait que « ce qui ne s’exprime pas par des mots s’exprime par les doigts». Je dis, quant à moi : « Ce qui ne s’exprime pas par des mots s’imprime, se répète et s’exprime par des maux. » Ainsi, tout ce dont on ne parle pas dans les familles (problème psy, alcoolisme, enfant illégitime, abus sexuel...) resurgit un jour ou l’autre et peut provoquer des dégâts sur plusieurs générations. On ne peut pas effacer l’ardoise tant qu’elle n’est pas réglée.

VOUS VOULEZ DIRE QUE NOUS SOMMES MOINS LIBRES QUE NOUS NE LE CROYONS...

Tout à fait. Pourtant, nous pouvons reconquérir notre liberté et sortir de la répétition en comprenant ce qui se passe, en démêlant les fils de notre passé familial. Il n’y a pas de recette miracle. Mais, s’il suffit de quelques heures pour dresser un arbre généalogique élargi, en fonction du traumatisme, certains peuvent suivre une psychanalyse ou une psychothérapie auprès d’un psychologue clinicien sérieux. Une fois ce travail accompli, nous pouvons enfin vivre notre propre vie, librement, et sans payer les dettes de nos ancêtres.

FAUT-IL PARLER AUX ENFANTS DES «SECRETS DE FAMILLE»?

Oui. Cela est même essentiel à leur construction. Pour s’assumer soi-même, il est essentiel de connaître ses racines, de savoir pourquoi ses grands-parents se sont sépares, comment son oncle est devenu alcoolique, d’être au courant que sa propre mère a fait une fausse couche. Sinon, l’enfant, sentant très jeune qu’un malaise existe mais n’en connaissant pas la cause, risque – notamment à l’adolescence –déculpabiliser et de souffrir, lui aussi, de « maladies à répétition ». Sans, bien entendu, rentrer trop dans le détail, il est important de lui raconter cela simplement, comme on lui raconterait une histoire.

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GUYOT

 

 Skipper bénévole, croisière voil